Le Bas-Rhinois n’oublie pas que son titre de champion de France, il le décroche en présence de sa famille où il inclut le team Europcar, à l’image de l’accolade avec son directeur sportif vosgien Dominique Arnould. Avec un long souffle, l’Alsacien évacue cette émotion à la descente de l’estrade avant d’offrir son bouquet à sa petite amie Sabrina.
« Y’a pas photo »
Cette joie est communicative. Même son dauphin Christophe Riblon (Ag2R), pourtant relégué à 1’15 comme le troisième Geoffroy Lequatre (RadioShack), ne peut être déçu : « Y’a pas photo, il a été en tête de bout en bout. Je l’aime bien et je le félicite ». Les deux hommes se connaissent pour s’être déjà côtoyés sur le podium des championnats de France du contre-la-montre espoirs 2002, lui 3 e, le Bas-Rhinois 2 e. Sacré chez ces moins de 23 ans en 2001, 2 e en 2006 et 3 e en 2008 chez les pros, Christophe Kern décroche le maillot bleu-blanc-rouge du chrono sans que ce soit une surprise. Surtout dans la foulée d’un Critérium du Dauphiné, où il a fini 6 e avec une victoire d’étape en prime.
Un début de parcours roulant, une fin accidentée avec le vent de face : tous les ingrédients étaient réunis pour qu’il confirme. « Mon oreillette ne marchait pas, j’ai roulé à l’aveugle, dévoile-t-il. J’ai juste entendu mon père crier que j’étais en tête au premier pointage. Je savais que c’était bon signe, car j’ai toujours du mal à partir ». Christophe Kern est le seul à avoir maintenu la cadence pour rester en tête de tous les temps intermédiaires. « Le vent m’a vraiment avantagé, avec mon style assis et tout en vélocité, surtout quand on l’a repris de face dans la deuxième partie. Les écarts à l’arrivée sont anecdotiques, l’essentiel c’est le maillot ». Avec les 45,2 kilomètres couverts à 45,440 km/h de moyenne, le Bas-Rhinois est le seul à être passé sous la barre de l’heure en 59’41.
Sa performance a marqué les esprits. « C’est bien de répondre présent quand on est attendu. Mais après l’euphorie du Dauphiné, j’ai eu mal aux jambes en fin de semaine dernière. Je suis devenu de mauvaise humeur car c’était très galère de bien se préparer. J’ai dû écourter mes séances derrière scooter à cause de la pluie. Mais Alain Vigneron (l’ancien pro devenu CTR alsacien) m’avait prévenu de ne pas trop rouler. J’ai dû faire du jus, ce n’était pas plus mal ».
Plus décontracté qu’à l’accoutumée avant le départ, le coureur du VC Nord Alsace a décroché ce maillot de champion de France, après lequel il courrait tant. « J’ai senti que j’avais les mêmes jambes qu’au Dauphiné. Ce titre, c’est une grosse satisfaction. Même si ce n’est que le chrono, j’apprécie ce maillot en spécialiste. Le fait d’avoir gagné aux Gets sur le Dauphiné a servi de déclic ».
La confiance est la clé de la réussite de ce cycliste qui fonctionne beaucoup au moral, qu’il noyait parfois dans un certain dilettantisme. « Il y a eu un grand moment de stress avec la reprise de l’équipe au dernier moment par Europcar. Notre métier est notre passion, il faut en profiter. Et il faut rester concentré sur ses objectifs ». Une prise de conscience favorisée par son manager Jean-René Bernaudeau, qui l’a sans cesse appelé lorsqu’il souffrait d’une tendinite du genou cet hiver.
Le manager connaît le potentiel physique de son coureur, dont les constantes sont encore meilleures que celles de Sylvain Chavanel lorsqu’ils étaient dans son centre formation Vendée U. « JR » avait même annoncé à son retour au bercail, cet hiver : « Ce sera un pari gagnant ». Bingo ! Et la Grand Boucle se profile avec des promesses que l’Alsacien évacue : « Le Tour, il faut le prendre au jour le jour, c’est très compliqué ».
Pourtant, Christophe Kern est en train de rattraper le temps perdu. Quoi de plus naturel pour un coureur habitué à se battre contre la montre ?